Un an après l’adaptation du label ISR au monde de l’immobilier, Cédric Nicard, directeur général de Cap Terre et fondateur de Ethiket, et Damien Racle, directeur général de Manexi, nous livrent un premier bilan d’étape, reviennent sur le guide de l’audit – qui doit aiguiller les certificateurs dans leurs démarches d’analyse – et proposent des pistes d’amélioration.
Après une année de mise en place du label, quels enseignements peut-on tirer ?
Le label a rencontré son public, c’est une certitude. Les sociétés de gestion se sont emparées de ce nouvel outil assez rapidement. Celles qui, engagées de longue date, ont souhaité mettre à l’épreuve de l’audit tierce leurs méthodologies et track-record, mais également d’autres acteurs souhaitant s’engager dans une démarche d’amélioration de leur parc ou créer des fonds d’investissement immobiliers différenciants. On peut également saluer la rapidité avec laquelle les Sociétés de Gestion ont assimilé la démarche ISR. Un an après les premières labellisations, la méthodologie semble de mieux en mieux maîtrisée. Ce succès a notamment été permis grâce au travail amont des professionnels regroupés au sein de l’Aspim qui ont œuvré de concert pour proposer à Bercy un label à la fois rigoureux et ambitieux, mais également pragmatique et opérationnel.
Enfin, il est très intéressant de souligner qu’au-delà des sociétés de gestion qui labellisent certains de leurs fonds, on commence à voir des parties prenantes de ces fonds mettre en place leurs propres démarches ESG (ex. Politique RSE) ou proposer de nouveaux services en lien avec l’ISR.
C’est le signe que le Label ISR sert de déclencheur à un mouvement de fond.
Quels sont selon vous les facteurs clés de succès pour une société de gestion souhaitant labelliser un fonds ?
Le premier facteur clé de succès repose sur l’appropriation des enjeux et des outils par les équipes de la société de gestion. Une démarche ISR est une course de fond, avec un objectif à atteindre, des jalons intermédiaires et des règles du jeu strictes. Il est alors essentiel que chaque acteur de la chaine de valeur comprenne son rôle et s’engage activement à contribuer à l’objectif global. C’est vrai pour les gérants, asset managers, responsables techniques, etc. mais également pour les parties prenantes externes à la société de gestion : entreprises de travaux, property managers, etc. Sans cette action collaborative, la mise en œuvre de la stratégie ISR s’avère systématiquement contre-productive.
Un deuxième facteur clé de succès est lié aux compétences. Il est essentiel de mobiliser des ressources formées aux enjeux sociétaux et à la démarche ISR pour en réussir le déploiement.
Par ailleurs, il est important de concevoir d’adosser sa démarche ISR à un système de management ESG de manière à pouvoir faire vivre la démarche dans la durée. Ce système de management englobe les procédures internes, les méthodologies et les outils.
Enfin, à moyen terme, le succès d’une labellisation reposera sans doute sur la capacité de la société de gestion à maîtriser ses données. En effet, toute stratégie ISR repose sur des objectifs à atteindre, mais aussi sur des indicateurs permettant de piloter l’atteinte de ceux-ci. Ces indicateurs sont désormais scrutés par les investisseurs et leur fiabilité est cruciale. A ce titre, il est essentiel que les données sources soient parfaitement maitrisées et qu’elles soient auditées. La crédibilité des gérants, comme celle du label, reposent sur cet enjeu.
Le guide de l’audit vient de sortir, quels sont les principaux éléments à souligner ?
Le guide de l’audit a le mérite de donner des règles claires d’interprétation de certains points du référentiel afin d’assurer une lecture homogène entre les organismes certificateurs. Il sera évidemment dynamique et évoluera régulièrement en fonction des pratiques de la place.
Dans sa première version, saluons notamment les précisions suivantes :
- Les modes de calcul des valeurs des actifs immobiliers sont clarifiés pour que celles-ci suivent en temps réel l’évolution des notes ESG.
- Se mettre en conformité avec les obligations règlementaires long terme, telles que le Dispositif Eco Energie Tertiaire, ne suffit pas à constituer une stratégie ISR, étant rappelé qu’il est essentiel d’aller au-delà de ce que la règlementation impose.
- Les actifs en travaux ou en construction pourront désormais être affectés à des poches temporaires et faire l’objet d’une mesure de performance spécifique.
- Enfin, signer des chartes avec ses parties prenantes (locataires, entreprises de travaux, etc.) ne suffit pas à matérialiser un engagement, il est essentiel de mesurer l’évolution des pratiques.
Si le référentiel venait à être revu, quelles seraient les pistes d’amélioration ?
L’une des principales limites repose sur une difficile comparaison des fonds labellisés entre eux. Pour autant, les stratégies immobilières ainsi que les engagements thématiques étant extrêmement variables, une trop forte standardisation aboutirait à exclure certaines stratégies pourtant créatrices d’impact. A ce titre, une des réponses possibles pourrait-être une évolution vers un label "à étoiles" permettant de différencier les stratégies les plus abouties en termes d’impact extra-financier et les fonds en chemin vers l’excellence. L’autre piste pourrait également être de standardiser la méthodologie d’élaboration des indicateurs pour éviter les écarts, parfois trompeurs, sur les périmètres de reporting, sur les méthodologies d’estimation des données, sur la donnée source, etc. Enfin, on pourrait envisager de clarifier ce qui est attendu en matière d’objectifs pour évoluer vers des objectifs plus quantitatifs, ce qui faciliterait la comparaison entre les différents fonds et faciliterait le suivi de la performance.