Christophe Broncard, directeur du développement de Segro Europe du Sud, décrypte le marché de la logistique en France et évoque la stratégie de la foncière britannique.
Quel est le terrain de jeu de Segro à l’heure actuelle ?
"Notre patrimoine reste concentré sur les marchés les plus importants. En tant que foncière, nous vivons de nos loyers : l’idée est donc de conserver nos actifs, situés dans dix pays en Europe, de la Grande-Bretagne à la Pologne. En France, nous possédons 1,1 million de m² : un chiffre qui grossit progressivement, la barre des 1,2 million de m² étant bientôt atteinte".
Que représente la part de la France dans votre portefeuille ?
"18 % environ. L’Allemagne est l’autre grand marché continental, d’une taille équivalente. En Italie, via Vailog, dont nous sommes actionnaires à 90 % et qui est de loin le premier développeur logistique en Italie, nous progressons à grande vitesse".
L’objectif est-il de s’ouvrir sur l’extérieur ?
"Pour l’instant, ce n’est pas sur l’agenda à court terme. Historiquement, nous étions implantés en Australie, aux Etats-Unis et au Canada. Depuis 2007, nous nous sommes exclusivement focalisés sur le marché européen".
Concrètement, c’est quoi la griffe Segro ?
"Nous couvrons tous les maillons de la supply chain, du grand entrepôt XXL au parc d’activités situé à proximité des centres de consommation, ce qui nous démarque d’autres entreprises, exclusivement axées sur la logistique. En tant que foncière, avec une vision à long terme, nous avons un tropisme plutôt urbain, par rapport à d’autres acteurs logistiques. Quand on va sur un territoire, c’est pour y rester. Ainsi, comme peut le confirmer Marco Simonetti, directeur de Segro Europe du Sud, nous avons pour ligne directrice d’être très sélectifs sur nos emplacements, notre stratégie se focalisant ainsi sur des produits de haute qualité et des emplacements prime. De ce point de vue là, nous créons de la valeur sur le long terme sur les territoires dans lesquels nous nous développons. Voilà pourquoi nous voulons conserver une notion urbaine et voilà pourquoi nous sommes sur l’ancien site PSA d’Aulnay-sous-Bois (93) par exemple, ou encore avec Vailog à Gennevilliers (92) et à Mitry-Mory (77), où nous construisons sur une friche industrielle : une autre de nos spécificités. Nous nous sommes toujours battus pour les meilleurs spots, le plus proche possible de Paris".
Et en régions ?
"En logistique, nous sommes sur Paris à 80 %, mais également sur la région lyonnaise et du côté de Marseille. Nous aurions pu nous développer dans le Nord. Seulement, il y a, là-bas, une abondance foncière telle qu’il y a un nombre incalculable d’acteurs et que nous n’avons pas pour objectif d’être le treizième à entrer dans la danse… Pour l’activité, nous ne sommes qu’en Ile-de-France, pour des raisons de proximité avec nos équipes de gestion, situées dans la capitale française. Cela permet de garantir des services de qualité".
En 2016, les marchés dits secondaires ont concentré plus de 1,6 million de m2 commercialisés sur l’ensemble du territoire. Pourquoi ne pas avoir franchi le pas de votre côté ?
"Nous n’y étions pas avant, donc nous avons un peu de mal à y aller maintenant, comme je le précisais auparavant, car nous connaissons moins bien ces marchés, il faut le reconnaître. Et puis, le jeu n’est pas nécessairement toujours ouvert… Nous pourrions accompagner certains clients sur ces marchés mais ça n’est pas un de nos axes de stratégie de développement immédiat. Une année, les marchés secondaires se portent bien ; l’année suivante, un peu moins, du fait d’une certaine volatilité. Pour nous, c’est un peu plus risqué. Attention, nous ne sommes pas imperméables à toutes ces tendances : Bordeaux, Toulouse, ça marche. Nos confrères nous le prouvent".
Selon vous, quel est le futur proche de la logistique ?
"Il y a deux moteurs aujourd’hui : la grande distribution et l’e-commerce. La plupart des grands projets sont liés à l’un ou à l’autre, voire les deux. Les acteurs importants, que ce soit Auchan, Carrefour, Intermarché ou encore Lidl, redéploient actuellement un réseau de supply-chain sur le pays. Nous concernant, cela nous intéresse que lorsque les clients souhaitent rester dans un schéma locatif. Les acteurs du e-commerce, quant à eux, mènent une course effrénée pour dénicher les meilleurs spots autour des villes afin d’accélérer le rythme des livraisons. Ça, c’est le présent de la logistique. Le futur, c’est le renforcement de cet appétit pour la proximité urbaine. Il y a 20 ans, on déployait des produits standards, des cellules de 6 000 m² avec une porte, point barre. C’est beaucoup moins vrai à l’heure actuelle, le client étant en quête de clé-en-main avec des spécificités bien précises. Il faut s’adapter en permanence, et cela va s’accentuer dans les années à venir".
Cela oblige les foncières à anticiper.
"Il faut prévoir, bien sûr, mais il y a malgré tout une constante : l’emplacement. Si les innovations sont là, mais que le lieu ne correspond pas aux attentes, cela ne fonctionne pas. Pour les parcs d’activités, c’est un peu différent, notamment en région parisienne: ils sont de plus en plus chassés de la première couronne. Prenez l’exemple de Saint-Denis, où vous avez de moins en moins d’activités, au profit de la deuxième couronne. Il faut donc trouver le bon équilibre entre la logistique, qui se rapproche du centre, et l’activité, qui est poussée dehors".
Le volume des investissements a légèrement baissé en 2016 pour atteindre 1,6 Md€. Qu’en sera-t-il en 2017 ?
"La tendance est toujours aussi forte, avec des valeurs vénales qui ont augmenté. Il y a un appétit d’autant plus fort que c’est un produit immobilier qui offre des rendements supérieurs aux autres classes d’actifs. Des capitaux sont arrivés ces dernières années. Certains semblent vouloir arbitrer, estiment qu’ils ont suffisamment travaillé en amont pour pouvoir sortir. D’autres arrivent. Du côté de Segro, nous faisons plus de développements que d’acquisitions depuis deux ans, en France notamment. Donc pour nous, la tendance est bonne. En effet, Marco Simonetti l’a récemment confirmé lors des résultats de 2016 : une année exceptionnelle pour le groupe et l’Europe du Sud. 2017 se présente sous les mêmes augures avec un mois de janvier déjà très dynamique. Beaucoup de négociations se sont déjà concrétisées et seront en construction dans quelques mois".
Propos recueillis par Benoît Léger
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