L'Observatoire de la mixité sociale, ou le procès de la rénovation urbaine et de la loi SRU

"Faute de thermomètre, on ne peut pas mesurer la mixité sociale". Le comité scientifique de l’Observatoire de la mixité sociale (Omis), qu’a lancé l’association Habitat et humanisme, est dubitatif sur la notion même qu’il est censé étudier. Il a néanmoins présenté le premier rapport de l’Observatoire, le 11 avril, dans un centre géré par l’association, à Paris. Le constat est clair : la mixité sociale est constamment invoquée comme une vertu, mais rarement définie autrement que par les revenus des ménages. Or, "cela laisse de côté plusieurs aspects", explique Christine Lelévrier, professeure d’urbanisme et présidente du comité scientifique de l’Omis. "Le mélange des générations, par exemple, ou la présence d’immigrés". Plus grave, "on confond beaucoup de choses, car vivre à côté n’est pas vivre ensemble, de même que la mixité n’est pas la réduction des inégalités". La seule chose à la portée des chercheurs, c’est de "mesurer les écarts territoriaux" en termes de revenus. Réducteur. 

Selon la professeure, "trois types d’actions ont été menées pour la mixité en France". Premièrement, la rénovation urbaine et la politique de la ville. "Après 30 ans de dispositifs, on ne peut pas dire qu’on a réduit les écarts territoriaux. Sauf là où le marché était de toute façon en passe de le faire". Avec l’Anru, on a même "reconcentré les pauvres là où ils pouvaient se loger". A l’inverse de l’objectif affiché. Pourquoi ? Parce qu’il a été difficile, dans certains quartiers, de construire autre chose que du logement social, les promoteurs ayant du mal à investir ces lieux. Et que les villes avec des populations dans le besoin ont continué de construire du social, pour les loger.

La construction de HLM dépend de la "bonne volonté des maires"

L’autre versant de la rénovation urbaine, c’est l’obligation pour les communes riches de construire des HLM. Et là, "la loi SRU a plutôt bien rempli ses objectifs de mixité… sur le papier". Stéphanie Vermeersch, directrice de recherche au CNRS et membre du comité scientifique, explique que ce dispositif dépend encore trop "de la bonne volonté des maires" puisqu’il leur suffit de construire du logement social "pas très social, type PLS, ou résidences pour personnes âgées", et de ne pas accepter de projets de "logements très sociaux pour les familles (PLAI)". 

Enfin, le troisième type d’actions menées concerne, de manière beaucoup plus récente, "le travail sur l’occupation du parc social". Initié notamment avec la loi "Egalité & citoyenneté", adoptée fin 2016, ce travail pourrait obtenir des résultats intéressants, selon Christine Lelévrier. Le projet de loi Elan (Evolution dans le logement, l’aménagement et le numérique), qui sera discuté prochainement, contient un chapitre visant à développer - et à simplifier - le dispositif permettant un pilotage intercommunal des attributions de logements sociaux. 

D’une manière générale, les experts du comité scientifique en sont convaincus : "il ne faut pas attendre des politiques du logement qu’elles résolvent à elles seules des problèmes qui relèvent de la cohésion sociale".

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